Un nouveau début en Irlande

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Père Richard Hendrick, O.F.M., Cap. parle à la fin d’un service de prière mettant en vedette le Dublin Gospel Choir.

Père Richard Hendrick, O.F.M., Cap. parle à la fin d’un service de prière mettant en vedette le Dublin Gospel Choir.

"Comment pouvez-vous lire l’heure avec cette horloge?" a chuchoté une élève du secondaire d’un aire honnêtement perplexe. "Il n’y a ni aiguilles ni chiffres." La jeune fille montrait du doigt l’ostensoir vide qui reposait sur l’autel. Quelques moments plus tôt, il contenait le Saint Sacrement pendant une célébration de prière pour sa classe.

"Je me souviens clairement de ce moment-là," dit Père Richard Hendrick, un franciscain capucin irlandais. "L’élève pensait que l’ostensoir était une horloge décorative et elle avait confondu l’hostie avec le cadran. À ce moment, il m’a frappé que l’Irlande est de nos jours un territoire pour les missionnaires et que l’évangélisation doit être notre réponse. Cette élève était une fille intelligente, d’une famille catholique, qui avait reçu les sacrements, fréquentait pendant 14 ans une école catholique, et avait eu trois sessions d’instruction catholique par semaine. On pourrait réagir à une telle histoire en se plaignant et en blâmant les parents, les enseignants, et les paroisses. Mais, quand j’ai entendu cette élève poser cette question en toute innocence et sincérité, j’ai rassemblé tous les élèves dans la chapelle à nouveau et je leur ai donné une leçon sur les principes fondamentaux de l’eucharistie. Voilà notre mission maintenant–on recommence à zéro."

Mettre l’accent sur la vocation
Hendrick sait plus que bien d’autres sur l’évangélisation et la jeunesse en Irlande. Comme moine capucin, il a passé tout son temps dans des ministères orientés vers l’évangélisation de la culture irlandaise qui évolue rapidement et qui est en train de devenir de plus en plus laïque.

"Je suis entré chez les Capucins à Dublin en 1991, tout de suite après l’école. À ce moment, il me semblait un choix de vie normale. L’Église catholique était toujours la conscience de la nation et elle jouait un rôle important dans la vie de tous les jours. En dedans d’une année après être entré, tout avait changé. Nous avons eu notre premier scandale de l’Église avec la démission d’un évêque populaire qui avait engendré un enfant.

Père Richard prêche à la messe au Honan Chapel à University College Cork.

Père Richard prêche à la messe au Honan Chapel à University College Cork.

Cet épisode paraîtrait insignifiant à comparer au raz de marée de révélations d’abus sexuel d’enfants dans les années à venir qui ont secoué l’Église et a suscité l’indignation du peuple irlandais. Les investigations par les médias et les rapports gouvernementaux pendant les deux décennies passées ont documenté en détail comment les dirigeants de l’Église ont mal géré ces cas.

Et comment ces bouleversements ont-ils affecté Père Richard? "Les interventions dans ces cas et les programmes d’aide aux survivants ont été profondément décevants," dit-il, "mais je n’ai jamais perdu espoir. Si la prière est au coeur de ta vie et si Dieu est au coeur de ta vocation, ces scandales demeurent dans un certain contexte et dans une certaine perspective."

"Ça n’a pas entravé ma vocation," dit-il "Ça l’a approfondie. Au lieu de m’éloigner de l’évangélisation, je suis porté à la mettre au coeur de ma mission."

Que la musique commence
En reconnaissance des changements dramatiques dans la société irlandaise, beaucoup d’ordres religieux mettent maintenant l’évangélisation au coeur de leurs ministères et de leurs programmes d’intervention. Or, où commence-t-on dans un pays comme l’Irlande avec une ancienne tradition chrétienne? Étonnamment, peut-être, Hendrick répond en parlant de la musique.

"J’adore la musique," dit-il, la joie au visage, "et la plupart des jeunes l’adorent aussi. Je m’en suis rendu compte, il y a quelques années, quand je m’étais impliqué dans la création du Dublin Gospel Choir, qui réunissait de jeunes adultes qui voulaient louer Dieu d’une façon créative."

"Le dimanche soir, ici dans la paroisse des Capucins au centre de Dublin, nous célébrons une messe éclairée par des chandelles avec de la musique type gospel. L’église qui peut accommoder 400 personnes est toujours pleine à craquer. Quelques uns qui sont présents sont venus d’abord pour la musique, mais ceci sert d’introduction au transcendent et peut être le début d’un voyage de foi pour eux. Le défi pour l’Église est d’aider ce processus de croissance et de réveil religieux. La musique est un véhicule puissant vers un engagement plus profond. Si nous cherchons des points de contact avec la culture, la musique en est un”.

Père Richard participe à un groupe de discussion théologique avec le Student Christian Movement.

Père Richard participe à un groupe de discussion théologique avec le Student Christian Movement.

Des églises pleines à craquer démontrent un accomplissement significatif dans un pays où de moins en moins de gens vont à la messe. Or, Hendrick sort aussi à l’extérieur des murs de l’église pour s’engager avec les non-pratiquants. Au mois de septembre, le choeur et Père Henrick participent au Electric Picnic, un festival annuel de musique, surnommé le Glastonbury Festival d’Irlande, qui attire quelque 30,000 personnes. "Aussi bizarre que cela puisse paraître, un frère religieux avec son choeurà un festival de musique," dit Hendrick, "je suis un frère religieux en Irlande, aujourd’hui–et il faut que nous soyons là où les gens se trouvent."

Faire face aux vrais besoins
En plus de fonder un choeur qui a connu un succès phénoménal, Hendrick a aussi été impliqué dans un autre ministère innovateur pour joindre les jeunes professionnels. Quand son ordre, les Capuchin Friars,a décidé de donner priorité à l’évangélisation des jeunes, il s’est trouvé sous peu au poste d’aumônier au Law Society of Ireland, l’association professionnelle responsable de l’enseignement des avocats irlandais, qui est situé au centre du quartier légal de Dublin. "Ce poste m’a appris que l’évangélisation réussit le mieux quand elle se fait de façon douce et non menaçante. Ma seule obligation était de prêter main-forte aux jeunes gens que je rencontrais," dit-il.

Pendant qu’il travaillait au quartier légal, Hendrick portait son habit franciscain brun tous les jours. "L’habit est une manière forte de générer des conversations. L’habit est une invitation à l’interrogation. Les étudiants se présentent et posent des questions, motivés par la curiosité, pas par l’hostilité. Certains religieux le perçoivent comme une menace. Pour moi, je le considère positif. Je ne constate jamais de réactions négatives quand je porte mon habit. Puisque nous sommes en Irlande, il y a toujours un peu de plaisanterie. Ça ne me dérange pas. Les plaisanteries mènent à la conversation."

"Pour que l’évangélisation réussisse, il faut que nous soyons certains de répondre aux besoins qui existent véritablement et de ne pas répondre à des besoins qui n’existent pas, ou à des besoins que nous nous imaginons," dit Hendrick. "Par exemple, la vie des jeunes professionnels est souvent marquée par un très haut niveau de stress. Pour répondre à ceci, nous avons eu plusieurs séminaires intitulés "Trouve la tranquillité."

"Ces rencontres ont servi à la présentation plus large à la méditation chrétienne. Certains étudiants ont été même étonnés d’apprendre que l’Église avait une tradition contemplative! Les traditions patristique et monastique de l’Église contiennent une bonté de sagesse pour notre époque."

Faire revivre la tradition
L’emploi du terme évangélisation est un récent phénomène dans le catholicisme irlandais, et il reste encore un peu d’incertitude sur sa mise en ouvre pratique. Hendrick se sert de l’histoire évangélique de la femme au puits pour expliquer ses idées sur les programmes d’évangélisation.

Ronan Holohan (à gauche), Père Richard, et Soeur Patricia O’Donovan, membres de l’équipe d’aumônerie, discutent d’ une liturgie à University College Cork.

Ronan Holohan (à gauche), Père Richard, et Soeur Patricia O’Donovan, membres de l’équipe d’aumônerie, discutent d’ une liturgie à University College Cork.

"Quand Jésus rencontre la Samaritaine au puits," dit-il, "il ne se présente pas. Au lieu de cela, il l’engage dans la conversation. Il l’aborde comme elle est, mais il réussit tout de même à lui transmettre l’envergure de sa présence. On ne fait pas d’évangélisation si on se plante à un coin de rue et on s’impose aux autres. C’est plus sophistiqué que cela. Il s’agit souvent de créer des espaces où on peut faire taire les distractions du monde pour que le chuchotement de la voix du Christ puisse être entendu."

À l’heure actuelle, Hendrick est l’aumônier à University College Cork. l’une des universités les plus grandes d’Irlande. Il avoue que le travail relève des défis; par fois, il est frustrant, mais c’est un travail gratifiant. "Je comprends qu’on veut mesurer les succès, mais l’évangélisation ne se prête pas à cela," dit-il. "Toute jeune personne qui contemple de nos jours une vocation religieuse peut être certaine qu’il y a beaucoup à faire, mais on ne pourra pas le soumettre à une analyse arithmétique comme à la fin d’un trimestre financier. Cela n’empêchera pas qu’on soit très occupé tous les jours!"

"Mais, la personne qui contemple une vie religieuse ne devrait pas se sentir intimidée par les défis," dit Hendrick. "Un support très important pour moi provient de ma communauté religieuse. Je vis avec dix autres frères et il est très utile de profiter de la sagesse et des expériences des hommes plus âgés. Je suis aussi membre d’une province (de son ordre) qui, depuis le 17ième siècle est dans ce pays. Ça, c’est une tradition éblouissante."

Hendrick croit aussi que les dévotions traditionnelles jouent un rôle dans l’évangélisation. Il souligne le succès d’un service de guérison qu’il a mené à Wexford, lors duquel il y a eu la bénédiction avec un relique d’un saint capucin, Padre Pio. Quelques 2,500 personnes étaient présentes.

"Le défi est de sortir "du neuf et de l’ancien" de l’entrepôt. Par exemple, la chapelle ici au University College Cork fait salle comble pour les cinq messes du mercredi des Cendres. Les gens répondent à des symboles visuels. Dieu merci, nous n’en manquons pas."

Des bénédictions avec les reliques aux choeurs gospel à des spectacles rock, Hendrick croit que l’avenir est prometteur pour l’Église au pays qu’on surnommait "la terre des saints et des lettrés." Le capucin barbu sourit et résume sa mission d’évangélisation avec les paroles de saint François d’Assise, fondateur de son ordre: "Construisez mon Église à nouveau. Commencez à neuf."

Andrew O’ConnellAndrew O’Connell est chroniqueur au journal The Irish Catholic et directeur de communication pour les Presentation Brothers à Dublin.


 

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